LÉOPOLD III AU XXe |
Restitution des faits.
Léopold III, en sauvant de l'élimination le corps expéditionnaire
britannique de Lord Gort grâce aux combats sur la Lys, a exercé une influence décisive
sur l'évolution ultérieure vers la victoire finale. Témoignages.
Le XXème siècle
finissant a vu le voile de l'oubli tomber lentement sur celui de son père, le
roi Léopold III. Il est grand temps de renverser cette tendance que l'on
pourrait croire délibérée et de restituer les faits dans leur perspective
historique.
C'est dans ce contexte que je voudrais évoquer un épisode crucial de la
guerre de 1940, dont on célébrera en l'an 2000 le 60e anniversaire : la
bataille de la Lys et son impact capital sur le sort des combats.
Je ne crois pas m'avancer outre mesure en affirmant qu'au même titre que le
roi Albert Ier a largement contribué à la victoire de la Marne en
septembre 1914 par sa résistance sur l'Yser, son fils Léopold III, en sauvant
de l'élimination totale le corps expéditionnaire britannique (BEF) de Lord
Gort grâce aux combats acharnés sur la Lys du 24 au 28 mai 1940 a sans aucun
doute exercé sur les événements et sur l'évolution ultérieure vers la
victoire finale une influence décisive.
Je m'appuierai sur deux témoignages irrécusables. Le premier est celui du général Alexandre von Falkenhausen qui s'exprime comme suit dans ses déclarations du 15 août 1945 (1) :
"L'armée belge a combattu bravement sous le commandement personnel de S.M. le Roi, son commandant en chef. L'armée britannique ne doit d'avoir réussi à s'échapper de Dunkerque qu'au fait que l'armée belge a combattu jusqu'au 28 mai. Sa résistance n'aurait pas été aussi effective et n'aurait pas duré aussi longtemps si S.M. le Roi avait quitté ses troupes prématurément. Seule, sa présence a rendu possible la résistance. "
Le deuxième est celui du grand critique militaire anglais sir Basil Lidell Hart (2). Le "Times" du 9 novembre 1960 sous le titre "British Army saved by King Léopold claim by Captain Lidell Hart" rapporte en effet dans son résumé d'une conférence donnée à l'Université de Londres, que Lidell Hart émit l'opinion que :
" Si le Roi Léopold avait quitté la Belgique le 25 mai 1940, comme l'y poussaient ses ministres et M. Churchill, l'armée belge aurait probablement capitulé immédiatement, au lieu de continuer à combattre jusque tard le 27 mai. Dans ces conditions, les Britanniques n'auraient eu que très peu de chance d'échapper à l'encerclement. Il peut dès lors être dit avec raison qu'ils furent sauvés par le roi Léopold, dont il fut alors abondamment médit en Grande Bretagne et en France ".
A-t-on mesuré les conséquences incalculables d'un départ précipité le 25 mai que la plupart des combattants auraient considéré comme une fuite ou même une désertion au coeur de la bataille, laissant le corps expéditionnaire britannique voué à une destruction certaine ? Il n'y avait pratiquement pas de réserves terrestres en Grande-Bretagne.
L'élimination des divisions anglaises aurait entraîné l'impossibilité d'encadrer les troupes qui débarqueront en juin 1944 sur les plages de Normandie pour la reconquête de l'Europe et la victoire finale.
Dans l'immédiat, comment aurait réagi Churchill alors même que lord
Halifax avait, dès le 26 mai, envisagé de traiter avec l'Allemagne et que
Reynaud considérait la guerre comme définitivement perdue ?
" Le 13 mai, le Roi reçut une communication téléphonique de la reine Wilhelmine, en provenance de Harwich où elle était arrivée à bord d'un destroyer britannique. Wilhelmine demanda avec insistance d'être rapatriée en Hollande et réclama une aide militaire britannique immédiate. Embarrassé, le Roi lui expliqua que dans les circonstances présentes aucun de ses souhaits n'était réalisable et à 5 heures de l'après midi il l'accueillit en personne à la gare de Liverpool. "
Elle lui dit qu'après son départ de La Haye, elle n'avait pas la moindre intention de quitter la Hollande, mais qu'elle était arrivée en Angleterre par tout un concours de circonstances imprévues. Elle était bouleversée et n'avait pris aucun vêtement avec elle. La reine sexagénaire s'était rendue au Hook of Holland pour trouver un bateau qui puisse la conduire vers le Sud où ses troupes résistaient encore à la pression allemande.
Imperturbable en dépit des bombardements allemands, elle embarqua à bord d'un vieux destroyer britannique "HMS Hereward" qui se trouvait à quai et demanda à être conduite à Flessingue. Peu après, l'amirauté ordonna au "Hereward" de regagner l'Angleterre compte tenu du fait que les approches de Flessingue étaient minées. C'est ainsi que la brave Reine se retrouva réfugiée malgré elle à Londres. Le jour suivant, l'armée hollandaise capitulait (3).
Il n'était pas inutile de rétablir une vérité historique trop souvent tronquée par le discours ignominieux de Paul Reynaud le 28 mai et par les scandaleuses déclarations de Limoges le 31 mai 1940. Il suffira de se souvenir de l'émouvant appel du Roi, à la veille de la bataille de la Lys :
" Soldats, la grande bataille qui nous attendait, a commencé. Elle sera rude. Nous la conduirons de toutes nos forces avec une suprême énergie. Elle se livre sur le terrain où en 1914 nous avons tenu victorieusement tête à l'envahisseur. Soldats, la Belgique attend que vous fassiez honneur à son drapeau. Officiers, soldats, quoiqu'il arrive, mon sort sera le vôtre. Je demande à tous de la fermeté, de la discipline, de la confiance. Notre cause est juste et pure. La providence nous aidera. Vive la Belgique! " Léopold. En campagne, le 25 mai 1940 (4).
Nul doute que c'est par sa détermination sans faille et sa vibrante proclamation que le Roi a galvanisé les énergies et permis la résistance désespérée de l'armée belge contre des forces infiniment supérieures, sauvant ainsi les Britanniques de l'anéantissement.
Le roi Léopold III a bien mérité de la Patrie et de l'Histoire...
Robert Close
Général e.r.
Article paru dans La Libre Belgique du 27 janvier 2000
Sources :
(1) Paragraphe 1, page 1. "The capitulation of 28 may
1940".
(2) Cité dans la préface de Sir Roger Keyes dans "Témoignage
britannique" du général Cecil Aspinall Oglander, page 9.
(3) Sarah Bradford. Georges VI. Weidenfeld and Nicholson London 1989, page 315.
(4) Cité par Georges H. Dumont. "Léopold III, roi des Belges"
Charles Dessart 1944.