Association franco-belge Le Cercle Léopold III

SOUVENIRS DE JEAN PIAT


Je dois au Théâtre, auquel Ils s’intéressaient, le bonheur d’avoir vécu des instants de rare intimité auprès du Roi Léopold III et de la Princesse Lilian de Belgique, tant à Paris qu’à Argenteuil dans leur maison familiale proche de Bruxelles.

J’ai même eu l’honneur - après avoir affirmé que j’en avais les compétences - de faire la cuisine dans leur propriété de Biot, sous l’œil amusé des princesses Marie-Christine et Esmeralda.

Un certain dimanche soir, je fus mis en demeure de cuire les beefsteaks, accompagnés d’endives braisées, ce que, entre nous, (je suis nordiste), nous appelions « chicons », afin de satisfaire à la curiosité et aux appétits de chacun. Le protocole en ces circonstances n’existait pas et mes « clients » se sont déclarés satisfaits.

Entre eux, le Roi et la Princesse Lilian s’appelaient «  Lil et Léo », ce qui me ravissait.

Et je garde aussi, comme un privilège d’exception, les instants où le Roi me parlait de ses filles comme un père peut se confier à un autre père, certain de partager avec lui les mêmes préoccupations.

L’amour avait uni harmonieusement «  Lil et Léo ». Conscients, néanmoins, d’appartenir à l’Histoire, ils vivaient avec une élégante simplicité un destin que la guerre avait rendu difficile et injuste. Ils en avaient tous deux accepté les sinuosités avec la même dignité.

Ethnologue passionné, le Roi prenait plaisir à me montrer une extraordinaire collection de photos prises au cours de ses  multiples voyages, dans les lieux les plus reculés d’Afrique et d’Océanie.

Sans cesse, curieuse de la vie, la Princesse Lilian accueillait ses hôtes avec la même passion, s’intéressant à leurs activités, leurs espoirs, qu’ils fussent «  prix  Nobel », acteurs, écrivains, champions de tennis, antiquaires, industriels ou journalistes.

Des dîners, parfois très brillants, où Elle me priait de choisir les vins, clôturaient les travaux de cette Fondation du cœur qu’Elle avait créée et qui réunissait les plus grands noms de la médecine contemporaine. Attentive à chacun, Elle nous éblouissait tous par sa vivacité intellectuelle et son sourire.

Si, parfois, un nuage passait dans le regard de ce Roi et de cette Princesse, c’est peut être parce que nous étions trop peu à bénéficier de leur rayonnement.

Le bonheur d’une vie, c’est sans doute de vivre une vieillesse que le naufrage épargne. Juste retour des choses : tous deux ont bénéficié de cette clémence.

Jean PIAT

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