Association franco-belge Le Cercle Léopold III

 

Eloge funèbre du Général Robert Close,

Sénateur honoraire, prononcé par

Armand De Decker, Président du Sénat

 

Le Général Robert Close, Sénateur honoraire, Bob pour ses proches, nous a quittés le samedi 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas.

Peut-être a-t-il voulu, ce matin-là, nous rappeler tout ce qu'il nous avait donné. Résistant à la mort depuis plusieurs jours, peut-être a-t-il voulu nous faire un dernier clin d'oeil, tant il est vrai qu'il ne savait résister à l'humour généreux qui l'habitait depuis qu'à la sortie de l'adolescence la guerre le confronta trop tôt à la mort.

Robert Close c'était l'énergie faite homme.

C'était l'amour de la vie dévorée à pleine dent.

C'était la passion de la liberté pour laquelle il était prêt à tous les combats, à tous les sacrifices.

C'était l'obsession de la vérité à laquelle, en grand honnête homme, il renonçait le cas échéant à ses plus grandes certitudes.

Mais comme il le disait lui-même, Robert Close, Bob, était aussi, à côté de ses combats, un « intégriste de l'amitié».

 

Sentimental et sensible, il fut un mari attentionné, un père et un grand-père aimant et chaleureux, un compagnon merveilleux et un ami indéfectible.

II aimait communiquer sa joie, faire partager ses enthousiasmes et ses découvertes.

II aimait les grands voyages et les rencontres au bout du monde.

Né au lendemain de la première guerre mondiale pour plonger, à dix, huit ans, dans la seconde, sa vie entière fut consacrée à la faire d'abord, à la combattre ensuite.

Il combattit la guerre comme seuls les militaires savent le faire. En connaissance de cause. Il le fit avec toutes les armes dont il disposait:

-     Une formation militaire qui lui fut donnée par l'Ecole des Cadets et l'Ecole Royale Militaire d'abord, par les Universités de Liège et de Bruxelles ensuite.
-     Un caractère trempé dans les épreuves qu'il avait trop tôt endurées et dans l'expérience des hommes qu'il n'a cessé de mener.
-     Un charme dont il usait et abusait avec délectation.
-     Un talent littéraire exceptionnel qui lui fut probablement inculqué par Maurice Grevisse, son professeur de français et qui faisait de ses lettres, de ses notes, de ses petits mots ou de ses ouvrages les plus sérieux des chef-d'œuvres d'élégance et de précision.

Robert Close était un homme libre doublé d'un homme de culture, qui avait survécu au régime des camps de concentration nazis grâce à la lecture des grands philosophes.

C'est cette double caractéristique qui conduisit l'officier Close à partager sa brillante carrière entre l'enseignement et le commandement.

II excella dans les deux, éveillant sur son passage l'enthousiasme des jeunes qui avaient la chance de croiser son chemin.

Jeune Sous-lieutenant de cavalerie, j'ai eu la chance de le croiser en 1976 dans le bel escalier qui mène à la salle à manger du Club des Officiers des Guides à Bruxelles.

II me parla du livre «L'Europe sans Défense» qu'il venait de publier et dont je partageais, comme tant d'autres, la pessimiste analyse.

 

Au plus chaud de la guerre froide, il était rassurant d'entendre un officier général dire tout haut ce que beaucoup voulaient délibérément taire et occulter: la stratégie de l'OTAN basée sur la dissuasion nucléaire tactique et la défense «de l'avant» voulue pour des raisons politiques, ne résistait pas à l'analyse.

Cette franchise, cette honnêteté intellectuelle, ce courage coûta au Général Close sa troisième étoile, mais lui valut l'estime et l'admiration de ceux que, lui, respectait.

Robert Close était un résistant. II résista à la menace soviétique et à ceux qui jouaient consciemment le jeu de Moscou, avec la même détermination que celle qu'il avait mise à combattre l'Allemagne nazie.

Après la chute du Mur de Berlin et l'implosion de l'Union Soviétique, Vadim Zagladine, artisan de la politique étrangère de l'URSS de Brejnev à Gorbatchev me dit un jour qu'à ses yeux le Général Close et «l'Institut Européen pour la paix et la sécurité» qu'il créa, furent parmi les plus efficaces résistants à la doctrine de Brejnev, dont le but était de diviser l'OTAN et de contrôler l'Europe Occidentale par l'intimidation.

La dynamique action du Général Close qui alimenta, comme personne ne le fit, l'opposition au pacifisme ambiant, contribua considérablement à sauver l'unité de l'Alliance Atlantique, unité qui permis plus tard de libérer l'Europe orientale de la sinistre dictature communiste. Lorsqu'il quitta l'armée pour retrouver sa chère liberté, je lui ai demandé de rejoindre le PRL que Jean Gol venait de créer.

II accepta avec joie, fidèle à l'amitié qui le liait depuis l'Athénée de Namur, à Michel Toussaint et à Robert Henrion.

II connut alors sept années de vie parlementaire en qualité de Sénateur. Même si son esprit de cavalier, pour lequel le chemin le plus court est toujours la ligne droite, ne le prédisposait pas naturellement aux compromis que la réalité du débat politique impose immanquablement, il connut au Parlement, où il retrouva ses amis Yves du Monceau, Michel Toussaint, Robert Henrion, Pierre Clerdent, Henri Simonet et Charles Poswick, des joies et des satisfactions réelles.

II apprécia tout particulièrement son mandat au Conseil de l'Europe et à l'Assemblée de l'U.E.O. où l'on évoque encore aujourd'hui la qualité de ses rapports consacrés aux grandes questions stratégiques.

 

Les couloirs du Parlement reten­tissent encore de sa voix de stentor lorsqu'il interpellait le gouvernement et de ses rires d'adolescent lorsqu'il retrouvait ses amis. C'était une époque où, en pleine guerre froide, l'armée trouvait en lui, un avocat vigilant et les Affaires étrangères un expert d'une exceptionnelle lucidité.

Robert Close aimait la Belgique avec passion et exprimait réguliè­rement son allergie vis à vis de nos mesquineries communautaires. Son goût de la vérité l’amena à l'automne de sa vie, lui qui avait vécu la campagne des 18 jours, Dunkerque, le sort des prisonniers de guerre, puis celui de prisonnier politique, à défendre, avec sa fougue coutumière, la mémoire du Roi Léopold III.

En dédicace du livre qu'il lui consacra après avoir grâce à la Princesse Lilian, eu accès aux archives du Roi, il écrivit: «En ce jour de commémoration du centième anniversaire de la naissance du Roi Léopold III, nous dédions le premier exemplaire de cet ouvrage à la petite Princesse Elisabeth, future Reine des Belges, pour qu'Elle puisse un jour, avec admiration et affection, découvrir le vrai visage de son arrière-grand-père».

Au nom du Sénat et au nom des Autorités de la Belgique que vous avez si bien servie et tant aimée, au nom de tous vos amis: Merci Mon Général.

Adieu Bob.

 

Armand De Decker

Le 11 décembre 2003

Décès du Général Dewandre