Eloge
funèbre du Lieutenant Général Roger DEWANDRE
Membre d'honneur du Cercle Léopold III
prononcé
par le Général (e.r.) Robert CLOSE
en
l'église de Saint-Jacques sur Coudenberg
le
lundi 28 juillet 2003
Notre ami Roger Dewandre nous a
quittés et l’annonce de sa mort fut un choc brutal pour tous ceux qui,
depuis plus d'un demi-siècle, l'avaient suivi pas à pas et fini par croire,
vu son omniprésence, qu'il était indestructible. Comment cerner en quelques
minutes cette longue et prestigieuse carrière qui, partie d'un jeune chef de
peloton d'auto‑blindées, aboutit in fine aux fonctions éminentes de
Chef d'Etat-major des Forces Alliées de
Centre-Europe
?
Je ne le ferai pas par le biais
de la sèche énumération des multiples étapes d'un long curriculum
vitæ. Mais j'essaierai plutôt de trouver le fil conducteur de cette
existence hors du commun.
Le maître mot c'est
l'ENGAGEMENT. Engagement à l'aurore de sa jeune carrière d'officier qui
voit Roger Dewandre encore élève de la 97ème promotion
Artillerie et Génie et entraîné dans le cyclone des capitulations belge et
françaises refuser de plier l'échine sous l'occupant et entreprendre avec
une volonté de fer de rejoindre les forces combattantes de Grande-Bretagne
Il m'ai confié lui-même
que, sans grand espoir, il avait envoyé à notre Ambassadeur en
Grande-Bretagne un télégramme signalant
sa disponibilité. A sa grande surprise, il obtint une réponse dans les 48
heures, saluant son initiative et l'encourageant dans son entreprise. Marchant
toujours à contre-courant, il finira par rallier la
Grande-Bretagne le 17 mai 1941 après un long et épuisant périple par
l'Espagne, le Portugal et Gibraltar, avec pour tout bagage une brosse à dents
et un rasoir, comme Roger lui-même le raconte dans le passionnant récit
de ses multiples tentatives pour gagner le sol britannique.
Très rapidement le 4 juin 1941,
il est affecté à l’Escadron d'Autos-blindées avec lequel il s'entraîne
durement pendant les trois années suivantes.
La deuxième phase de son
engagement, c'est sa campagne, de Normandie où son Escadron est rattaché au
régiment blindé de reconnaissance de la 6ème Division Airborne. Avec les
parachutistes ils avancent via Pont-l'Evêque, Beuzeville, Pont-Audemer
qu'ils furent les premiers à libérer en dépit des assertions des Hollandais
arrivés bien après. Ce qui nous valut des années plus tard une tempétueuse
réaction de notre ami Roger, soucieux de rétablir la vérité historique.
Durant ces opérations et par son comportement héroïque à Branville, il se voit octroyer la Military Cross qui lui sera remise plus tard sur la Grand Place de Bruxelles par le Maréchal Montgomery en personne. Attaché ensuite à la 49ème Division d'Infanterie, c'est le franchissement de la Seine avant de rejoindre la Divisions des Guards qui fonce vers Bruxelles et d'entrer le 4 septembre dans la capitale. Roger Dewandre va escorter le Général Horrocks jusqu'au Palais Royal de Laeken où est prévue la rencontre avec la Reine Elisabeth.
Après l'épisode de la libération
de Bruxelles, évoqué la semaine dernière dans LE SOIR du 24 juillet, c'est la
capture du camp de Bourg-Léopold jusqu'au retrait des combats.
Nouvel engagement et nouvelle
mission : former un régiment d'Autos-blindées avec de nouvelles recrues
puis devenir instructeur à l'Ecole des Troupes Blindées à Visé où je
rencontrai Roger pour la première fois. Ce ne sera pas la dernière car nous
nous retrouverons à nouveau au quartier-général du 1er Corps belge
à l'Ecole de Guerre à Bruxelles où Roger enseignait la tactique des
troupes blindées, et enfin comme un de ses successeurs au commandement de la 17ème
Brigade Blindée.
Commandement du 5ème
Lanciers, Chef d'État Major de la 16ème
Division, Commandant de Brigade, 1er Sous-chef à l'Etat-Major
Général, Commandant de 1ère Division Logistique et enfin Chef d'Etat-Major
des Forces Alliées Centre-Europe comme Lieutenant-Général avant
sa retraite le 1er octobre 1979, telles sont les étapes successives
d'une carrière hors du commun.
Il n'est donc pas surprenant que
Roger Dewandre soit devenu pour les jeunes comme pour les anciens, le symbole
vivant de l'Arme Blindée Cavalerie dont il incarna l'esprit durant des décennies
et je forme le souhait qu'une de nos promotions de l'Ecole Militaire porte désormais
son nom au titre d'une reconnaissance nationale.
Un autre engagement dont on
parle trop peu : sa farouche détermination à défendre avec bec et ongles
l'Armée en général, l'arme blindée en particulier contre les palinodies de
ministres incapables dont certains se virent décerner le titre de « fossoyeurs
de l'Armée »
Sous le pseudonyme de Stone Wall,
son nom de plume, Roger fut de tous les combats et sa pugnacité, comme la
pertinence de sa logique, en firent un adversaire redoutable de ceux qui réduisirent
l'Armée à l'ombre de ce qu'elle fut jadis.
On aurait pu croire que la
retraite aurait conduit Roger Dewandre à interrompre des engagements
successifs. Il n'en fut rien. Il fonde le
Tank
Museum et le dirige pendant de longues années afin de retracer l'histoire des
blindés au sein du Musée de l'Armée. II est aussi très actif dans nombre
d'amicales ou de fraternelles et il fut toujours présent aux réunions périodiques
de la 17ème Brigade blindée où son intérêt constant pour l'évolution
de la brigade ne s'est jamais démenti.
Je dois ajouter que dans tous
ces engagements successifs que je n'ai pu qu'évoquer succinctement, il a
toujours pu compter sur sa compagne attentive et dévouée, sa complice
occasionnelle, sa. collaboratrice aussi discrète que présente dans les bons
comme dans les mauvais jours. Et je rends grâce à Phil d'avoir été durant
toutes ces décennies l'indispensable moitié de notre ami Roger.
L'heure des adieux a sonnée.
Mon cher Roger, nous perdons en toi un grand soldat et un valeureux patriote, un
grand citoyen et un grand monsieur.
Mais surtout un ami très cher
dont nous conserverons le souvenir dans nos mémoires et dans nos cœurs.
Remerciements reçus de la famille du général Dewandre
De
tout cœur, nous vous remercions pour tous vos gestes de
sympathie et d'amitié, exprimés lors du départ de
Roger Dewandre.
Vos
lettres, paroles, prières, pensées, fleurs ainsi que votre présence
chaleureuse lors du dernier adieu nous ont extrêmement touchés.
Votre
reconnaissance unanime de ses qualités tant humaines que
professionnelles nous est d'un grand soutien.
Son
épouse Phyllis Dewandre, ses enfants et petits enfants
ainsi que les familles Claes, Kabandana, Seymour,
Gough, Port, Geonet et Roosen.