Association franco-belge Le Cercle Léopold III

BIOGRAPHIE DE LÉOPOLD III


"
Lorsque deux routes s'ouvrent devant nous, celle du devoir est toujours la plus dure. C'est celle-là que j'ai choisie". (Léopold III)

Il naît à Bruxelles le 3 novembre 1901, rue de la Science en l'ancien hôtel d'Assche où siège actuellement le Conseil d'Etat.

Lorsqu'éclate la Première Guerre Mondiale , il a 13 ans et le roi Albert, désireux de mettre ses enfants à l'abri, les envoie en Angleterre d'où ils reviendront de temps à autre pour séjourner à La Panne auprès de leurs parents. Léopold estime bien vite qu'il perd son temps au Royaume Uni pendant que d'autres risquent leur vie au combat.
Dans ses nombreuses lettres à son père, il ne cesse de répéter "Je veux être soldat". En fin de compte, le 5 avril 1915 à 10 heures du matin, le Roi présente l'héritier du trône au 12ème de Ligne, un régiment qui s'était particulièrement distingué au feu.

Le jeune duc de Brabant ne bénéficiera d'aucune faveur, le Roi ayant exigé qu'il fasse l'exercice et partage les corvées avec la troupe. Il précise même "Faites lui creuser les tranchées pour qu'il sache ce que c'est que d'avoir des cloches aux mains." C'est donc sur le terrain que le prince fait l'apprentissage de la vie militaire : gymnastique, école à pied, maniement des armes, lancement de grenades et, le 4 mai 1915, le plus  jeune fantassin de l'armée belge monte pour la première fois aux tranchées. La vocation militaire s'est ainsi manifestée de bonne heure chez le futur roi. Elle ne le quittera plus.

Mais Léopold doit poursuivre sa formation générale; aussi, après six mois d'instruction militaire, le Roi le renvoie-t-i1 en Angleterre. Inscrit au collège d'Eton, il abandonne l'uniforme kaki pour la tenue traditionnelle : jaquette et haut de forme. En peu de mois, il parle l'anglais à la perfection. Il  participe aux compétitions sportives et fait partie d'une des équipes de football du célèbre collège. Lorsque la guerre approche de sa fin, le prince a terminé ses études à Eton et rentre au pays.

Il reprend sa place au 12ème de Ligne et, le 19 novembre 1918, neuf jours après l'Armistice, le duc de Brabant, toujours simple soldat, défile à Liège avec son régiment.

Deux ans plus tard, le 24 novembre 1920, le prince entre à l'École Royale Militaire où il est incorporé à la 66ème promotion armes simples. A l'exception du fait qu'il ne loge pas dans les quartiers de l'E.R.M., il se soumet avec rigueur au régime et à l'horaire de celle-ci.
Parallèlement aux cours de l'école, il poursuit sa formation politique et son initiation au métier de roi. Le 26 décembre 1922, après avoir passé avec distinction les examens de sortie, il prête serment comme sous-lieutenant et, selon la tradition de la famille royale, est affecté au 1er régiment de Grenadiers. Lors de sa réception au mess des officiers, il a ces paroles qui en disent long sur son apprentissage de soldat:
"Un seul regret est venu contrarier la joie que j'ai ressentie en recevant mon brevet de sous-lieutenant : c'est celui de quitter ce vaillant 12ème de Ligne dont j'ai été si fier de porter le glorieux uniforme, le régiment où m'est apparue, pour la première fois, la grandeur des vertus militaires..."

Le 11 février 1934, le roi Albert trouve la mort aux pieds des rochers de Marches-les-Dames. Quelques jours plus tôt, il avait confié à son entourage "Mon  fils est prêt...". Le 23 février 1934, Léopold prête, devant les chambres réunies, le serment qui fait de lui le quatrième roi des Belges.

Tous ses agissements s'inspireront du comportement de son père auquel il était si profondément attaché. La correspondance qu'il échangeait avec celui-ci en dit long. Gilbert S. Kirschen cite une lettre datée du 25 mai 1919 dans laquelle Léopold écrit au Roi : "J'ai lu dans les journaux que vous avez fait une visite à Dartmouth en aéroplane. J'espère que votre voyage s'est bien passé malgré l'accident que vous avez eu. Il me semble que vous êtes un peu trop imprudent, cher Papa, vous risquez trop; car vous allez trop souvent en avion, Surtout, quand on s'est beaucoup exposé, comme vous l'avez fait pendant une si longue guerre, les chances, forcément, diminuent (...). Je pourrai rester tout le vendredi, tout le samedi, et tout le dimanche avec vous, très cher Papa (...). Je vous embrasse tendrement et reste toujours, cher Papa, votre Léopold qui vous aime de tout son cœur".

Les idées-forces du roi Albert seront celles de son fils :

- assurer l'indépendance de la Belgique même à l'égard des pays qui avaient été ses alliés;
- renforcer la défense nationale afin de garantir notre neutralité;
- assumer aussi bien en temps de paix qu'en temps de guerre le commandement de l'armée;
- remédier au mauvais fonctionnement du régime parlementaire en réagissant contre les querelles des partis;
- maintenir l'unité nationale et mener une action sociale désarmant la lutte des classes.

A ce sujet, P.H. Spaak a dit : "... 11 y a autre chose de plus important et sans doute décisif chez le roi Léopold III, l'enseignement de son père, je pourrais presque dire l'exemple de son père ...". Comme son père, le jeune roi est passionné par la technique, les sciences, les mathématiques, l'histoire et la géographie, l'alpinisme et les voitures rapides. En outre, il pratique le ski et le golf qu'il a appris à Eton. Mais ce qui le caractérise, c'est son tempérament militaire. D'où 1e style direct et ironique de certains de ses propos qui ne lui feront pas que des amis. Une parfaite illustration s'en trouve dans un passage de son discours du 2 février 1939, au conseil des ministres : "En ce qui concerne l'octroi des décorations, les abus se multiplient également. Autrefois, un homme décoré était un homme que l'on distinguait parmi ses compatriotes. Au rythme auquel on marche actuellement, un homme non décoré sera bientôt montré du doigt par ses compatriotes ... Tous les prétextes sont bons actuellement pour demander des décorations. Les règlements établis quant à l'âge, aux grades, aux proportions, aux contingentements sont continuellement violés.
En 1913, mon père a accordé 1.300 décorations au total; en 1937, je me suis obligé d'en octroyer plus de 12.000. Il est temps qu'on arrête cette frénésie."

A un moment où la guerre est à nos portes, en tant que chef de l'armée, le roi a des préoccupations plus importantes que de satisfaire la "décoromanie" de ses concitoyens. Il en donne la confirmation le 25 avril 1940, 15 jours avant l'invasion de. notre pays. Ce jour-là, le gouvernement d'Hubert Pierlot démissionne à la suite d'une question linguistique. Mais ce premier ministre reformera un ministère le jour même, le roi ayant rappelé sèchement ses ministres à l'ordre :
"Au moment où l'armée monte une garde vigilante aux frontières et où la situation internationale fait un devoir à tous les Belges de resserrer plus étroitement leur union, le temps n'est pas à une crise ministérielle ouverte sur des questions de politique intérieure..."

C'est l'armée qui préoccupe le plus le roi. L'hiver 1939-1940 avait été particulièrement rude, le thermomètre étant descendu jusqu'à -25°C. Dans les premiers jours de mai, le roi visite les positions et assiste à des exercices d'alerte. Il trouve l'armée engourdie du fait de son hibernation. Le 4 mai, il réunit une quarantaine de généraux dont le général Denis, ministre de la Défense nationale. Une fois encore son discours est net. Il insiste sur la nécessité de maintenir la discipline et d'entretenir le matériel. Condamnant la paperasserie, il ajoute "Le vrai chef commande sur le terrain" et conclut : "On eut cru pouvoir espérer qu'après 6 mois de mobilisation et deux alertes de la plus haute gravité, nous aborderions l'époque critique du printemps avec des divisions en pleine forme militaire et animées du haut moral qu'exigent les événements. A quelques exceptions près, nous sommes loin du résultat. C'est pour vous parler de cette carence du commandement que je vous ai réunis."
Le roi prend alors personnellement la situation en main et dirige lui-même quatre manœuvres.

Lorsque, le 10 mai 1940, violant pour la seconde fois notre neutralité, l'Allemagne franchit nos frontières, tout comme son père, Léopold III assume pleinement sa fonction de chef de l'armée. Lui qui n'a jamais redouté le danger, donne l'exemple à son entourage. Il circule dans les zones de combat sans se soucier ni des alertes, ni des tirs ennemis. Alors qu'en plein bombardement, un officier lui crie "De grâce, Sire, abritez-vous !" il rétorque feignant l'étonnement "Mais pourquoi ?" Pendant 28 jours, notre armée fit vaillamment son devoir. Elle ne fut contrainte de déposer les armes que devant l'écrasante supériorité de l'ennemi en nombre et surtout en matériel. Personne ne pouvait résister à la puissance des Panzerdivisionen et aux effroyables bombardements des Stukas. L'ennemi lui-même rendit hommage à nos combattants. Dans son journal de marche, à la date du 28 mai, le général allemand von Bock, commandant le groupe d'armée B, écrit : "Les 22 divisions belges ont défendu leur pays avec courage et ténacité, en utilisant les nombreuses coupures et fortifications. Disloquées par les attaques incessantes du groupe d'armée B, elles ont dû capituler."

Le dernier acte s'est joué sur la Lys et, dans un article publié en 1945 dans le Daily Telegraph, l'amiral britannique Keyes déclarait : "La vaillante résistance, opposée sur la Lys, à des assauts massifs pendant quatre jours, soit plus de deux jours après la fuite du gouvernement, permit à plusieurs milliers de soldats britanniques de s'échapper vers Dunkerque : sans cette résistance, ils eussent péri ou eussent été faits prisonniers. Aussi, devons-nous remercier le roi Léopold pour la courageuse exhortation qu'il lança à ses troupes".

Bien que vaincue, notre armée est sortie de l'effroyable mêlée, la tête haute. Sous les ordres du roi, elle a fait tout son devoir et sa ténacité a permis à la Grande-Bretagne, de rembarquer à Dunkerque, l'essentiel de son corps expéditionnaire. Elles sont nombreuses les autorités qui ont rendu à notre armée et à son chef l'hommage qui lui revenait. Outre l'amiral Keyes, le général Lord Monckton of Brenckley, Sir Otto Lund, le colonel Rémy - héros de la résistance française - et le général Cecil Aspinall-Oglander. C'est ce dernier qui écrivait : "Le refus du roi d'abandonner ses troupes à une heure désespérée et l'appel qu'il leur fit de continuer la lutte sous son commandement a insufflé à l'armée belge le courage de combattre pendant près de deux jours après qu'ait débuté le repli britannique. C'est cette ultime et opiniâtre résistance des Belges qui a permis le retrait des années française et britannique et le rembarquement de Dunkerque". C'est dans le même sens que s'exprimait le colonel Duncan Brown, attaché militaire des U.S.A. à Bruxelles : "L'armée belge combattit avec ténacité vers des positions de repli successives et à la fin se trouva complètement isolée et le dos à la mer. Son artillerie avait très bien combattu, ses grandes unités étaient bien menées.
En capitulant le 28 mai, le roi des Belges a fait la seule chose qu'il pouvait faire. Ceux qui parlent autrement n'ont vu ni la bataille, ni l'aviation allemande. J'ai vu l'une et l'autre."

La guerre terminée, les passions se déclenchèrent. La personne et le comportement du roi furent mis en question. Des troubles éclatèrent en diverses régions du pays. Au cours de l'été de 1950, les émeutes atteignent leur comble. C'est alors que le roi aura ces paroles à la fois ironiques et désabusées "Il n'y a rien de plus agité que ces agitateurs. Pour les calmer, il faudra en faire des ministres." Le 16 juillet 1951, Léopold III abdique. Par cet effacement, il a voulu sauver l'unité de notre pays et ramener le calme dans les esprits. C'est Jacques Willequet qui a le mieux décrit la portée du geste que posait le quatrième de nos souverains : "Dans la grandeur de son silence, Léopold III a illustré, ô combien ! ce devoir impératif d'effacement: il faut se taire, tolérer les élans qui se trompent et souffrir, pour le bien de la Nation et pour le respect des serments prêtés, les outrages incongrus."

 

Pierre Van den Neucker

 

Article paru dans HIPPO News - Octobre 2001 - pages 12 et 13

Sources

- R. ARON, "Léopold III ou le choix impossible", Plon 1977
- J. CLEEREMANS, "Léopold III en l'an 40", Didier Hatier 1985
- G.H. DUMONT, "Léopold III Roi des Belges", Charles Dessart 1944
- R. KEYES, "Outrageous Fortune", Secker & Warburg 1984
- G. KIRSCHEN, "L'éducation d'un Prince", Didier Hatier 1984
- MARIE-JOSE, "Albert et Élisabeth de Belgique, mes parents", Rossel 1985
- J.GERARD et H.GERARD, " Léopold III se tait, nous parlons", Collectif, Éditions J.M. Collet 1983

Photos :

- "La Séance Solennelle au Palais de la Nation" - Le Soir Illustré du 23 février 1934
- "Statue du Roi Chevalier" - Monument National de la Lys à Courtrai - CdB
- "La cérémonie d'abdication de Léopold III, au palais de Bruxelles, le 5 juillet 1951" -  L'Eventail n° 6 de septembre 2001© DR.

Les photos qui illustrent cet article ont été placées par la rédaction du site et ne figurent donc pas dans le texte d'origine publié dans HIPPO News  d'octobre 2001.

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